En 1957, alors que Mao Zedong s’apprête à lancer son Grand Bond en Avant, la plupart des récalcitrants sont désormais sous bonne garde (ou morts) mais il reste encore des ennemis du peuple à éliminer : les quatre nuisibles.
#Thread
En l’occurrence, les quatre nuisibles que le Grand Timonier veut éradiquer sont le rat, la mouche, le moustique et le moineau.
Oui, le moineau.
Plus précisément le terrible moineau friquet (a.k.a. *passer montanus*).
Pourquoi ? Parce que figurez-vous que, d’après les estimations des scientifiques chinois, un seul de ces volatils mange 4.5 Kg de grain par an — du coup, calculent-ils, si on en tue un million, ça fait de la nourriture pour 60 000 humains.
Raison pour laquelle, en mars 1958, la Chine communiste déclare une guerre sans merci aux moineaux.
#NoPasaran Et tout le monde s’y met : des écoliers aux soldats de l’Armée de Libération du Peuple en passant par les travailleurs des usines, de sont des centaines de milliers de chinois qui se mobilisent pour anéantir cette force contre-révolutionnaire volante.
« Aucun guerrier ne renoncera jusqu'à ce que la bataille soit gagnée », proclame le Quotidien du Peuple de Pékin, « tous doivent se joindre à la bataille avec ardeur et courage; nous devons persévérer avec l’obstination des révolutionnaires ! »
Les guerriers révolutionnaires détruisent les nids, cassent les œufs, massacrent les oisillons et terrorisent les moineaux adultes à coup de tambour, de drapeaux et d’épouvantails pour qu’ils ne puissent plus se poser nulle part et finissent par mourir d’épuisement.
Un article du journal de Shanghai estime que, sur la seule journée du lancement de la campagne dans la ville, le 13 décembre 1958, ce sont pas moins de 194 432 moineaux (admirez la précision) qui vont y passer.
#HastaLaVictoriaSiempre Cette guerre, ce sont les communistes qui vont la gagner.
On estime les pertes ennemies, outre 11 millions de Kg de moustiques, 100 millions de Kg de mouche et 1.5 milliards de rats, à un bon milliard de moineaux — l’espèce est pratiquement éradiquée en Chine.
Et là, c’est le drame.
Zheng Zuoxin, ornithologue de son état, a pourtant bien essayé de prévenir Mao mais il s’est entendu rétorquer que « les oiseaux sont les animaux publics du capitalisme » et on l’a accusé d’être un criminel contre-révolutionnaire. Évidemment, ça calme.
Mais ce que Zheng essayait de faire comprendre au Grand Timonier, c’est que les moineaux ne mangent pas que du grain ; leur régime alimentaire est aussi composé d’insectes.
Et notamment de sauterelles.
Du coup, comme Mao, dans son infinie clairvoyance, avait organisé l’éradication de leur prédateur naturel, la population des sauterelles avait littéralement explosé.
Or voilà : les sauterelles et l’agriculture, comme vous le savez sans doute, ne font pas bon ménage. Pour vous grignoter un champ jusqu’aux racines, on n’a pas trouvé mieux depuis Moïse.
C’est pas la 8ème plaie d’Égypte pour rien.
Le résultat, outre une catastrophe environnementale, c’est que les rendements agricoles chinois vont baisser.
Rajoutez à ça l’effet des collectivisations forcées du Grand Bond en Avant et vous obtenez un effondrement en bonne et due forme… et la famine qui va avec.
Pour les rats, il semblerait que les sbires de Mao aient eut une idée originale. Devinez...
Oui : distribuer des récompenses à ceux qui ramenaient le plus grand nombre de queues de rongeurs présumés décédés.
Vous connaissez la suite.
#Fin